Les données d'histoire communale
Le choix des villages étudiés
Les communes du département des Hautes-Pyrénées, telles qu’elles se présentent actuellement, sont quelquefois la composition de plusieurs agglomérations.
Lorsque deux (ou plusieurs) noms d’agglomérations apparaissent dans le nom officiel de la commune, chaque entité bénéficie ici d’une étude étymologique. Exemple : Ayzac-Ost.
Si un village n’est pas mentionné dans le nom officiel mais a eu une existence communale après 1801 (date à partir de laquelle la formation des communes semble avoir été « stabilisée »), il est également étudié particulièrement.
Exemple : Soulagnets (Bagnères-de-Bigorre).
Dans tous les autres cas, les quartiers ou hameaux sont cités en fin de fiche communale dans leurs formes occitanes probables, leur étude étymologique n’ayant pas été réalisée. Les listes de ces lieux ne peuvent d’ailleurs pas être considérées comme exhaustives.
Les informations communales
Chaque notice communale s’ouvre par un encadré contenant un certain nombre d’informations sur le choix et la présentation desquelles quelques éclaircissements sont nécessaires.
L’altitude est celle du centre de l’agglomération communale ou de la mairie dans le cas d’un habitat dispersé. Elle est donnée, de même que lasuperficie, d’après Agreste, recueil de statistiques du Ministère de l’Agriculture et de la Forêt établi à la suite du Recensement général de l’Agriculture de 1988.
Quatre chiffres de population ont été retenus :
- le chiffre le plus ancien connu avant la Révolution,
- le premier après 1789,
- celui du maximum démographique du XIXe siècle,
- le plus récent, celui du recensement de 1999.
Les premiers de ces chiffres, fournis par Bigorre et Quatre-Vallées (Pau, 1981, t. II, pp. 630-842) et surtout ceux du Moyen Age, sont souvent approximatifs.
Le saint patron titulaire de l’église est aussi le plus souvent, dans nos pays, le saint patron de la communauté d’habitants, et sa fête était et est encore dans bien des cas la fête patronale de la commune. En outre, ce nom peut constituer un indice intéressant sur l’ancienneté de l’édification de la première église, bien que des changements de titulaire se soient produits au cours des temps, notamment, semble-t-il, après le XVe siècle. Les documents n’étant pas toujours d’accord sur l’identité du patron, cela explique que l’on en ait parfois indiqué deux. La source principale de ces informations est l’ouvrage des abbés Crabé et Ricaud, Les saints patrons du diocèse de Tarbes, Tarbes, 1909, II-287 p.
Sobriquets et dictons relèvent de ce que l’on a appelé le blason populaire. Parfois descriptifs et renvoyant aux réalités géographiques ou aux activités économiques propres au lieu, ils sont souvent désobligeants et gratuits, se plaisant à relever les défauts prétendus qui seraient partagés par tous les habitants : on ne doit dans ce cas évidemment pas les prendre au pied de la lettre, d’autant que l’on constate qu’ils sont souvent fondés sur des rapprochements ou des assonances destinés seulement à produire un effet comique.
Pour la plupart, ils ont été relevés par Jacques Boigontier dans le travail de Norbert Rosapelly, Contribution au folklore du pays de Bigorre, qui après avoir commencé à paraître peu avant 1900 dans le Bulletin de la Société académique des Hautes-Pyrénées, fut publié dans la Revue des Hautes-Pyrénées de 1913 à 1929. Cet important ouvrage a été réédité sous les auspices de la Société académique en 1990 sous le titre « Traditions et coutumes des Hautes-Pyrénées » (cf. bibliographie). Certains autres dictons proviennent de la Cansou de l’Apitro, recueillie à Trie en 1899 par Charles Brun (Ch. Brun et J. Maumus, Histoire du canton de Trie, Limoges, s. d. [1928], pp. 345-348), dont des compléments et des variantes nous ont été indiqués par M. Joseph Fittère, originaire du Magnoac.
J. Boisgontier avait également eu recours aux données de l’enquête faite auprès des communes en 1986 par Nosauts de Bigorra, section départementale de l’I. E. O., avec l’appui du Conseil Général, ainsi qu’à des informations collectées dans le cadre de l’Atlas Linguistique de la Gascogne.
Rares sont les communes des Hautes-Pyrénées à avoir adopté un nom révolutionnaire, du moins à notre connaissance, car la disparition d’importants volumes d’archives de cette époque dans l’incendie des bureaux de la préfecture en 1808 ne permet pas de connaître avec assez de détails la courte période pendant laquelle ils ont été en usage.
L’historique administratif
Sous cette rubrique, on a essayé de donner d’une façon aussi systématique que possible les principales circonscriptions locales auxquelles étaient rattachées les communautés d’habitants sous l’Ancien Régime, les plus significatives, celles qui paraissent avoir été vécues de la manière la plus consciente.
Il faut bien avouer que cette tentative est hasardeuse, et qu’il est difficile de savoir comment nos prédécesseurs vivaient avant la Révolution leur appartenance aux différents niveaux des pays, notamment lorsqu’il y avait distorsion entre le cadre géographique et la multiplicité des entités administratives de rattachement. Ainsi dans le cas du Louron dont la réalité géographique fait certainement le cadre d’une collectivité humaine, pourtant éclatée au point de vue administratif, judiciaire, fiscal, etc.
On trouvera donc ici, présentés sans les nuances qui seraient nécessaires, les éléments d’une enquête en cours, largement fondée sur les solides travaux de l’abbé Louis Ricaud, Un régime qui finit. Etudes sur les pays qui ont composé le département des Hautes-Pyrénées, Paris-Tarbes, 1905, 181 p., complétés par des recherches poursuivies dans les archives et qui ne permettent pas encore de trancher un certain nombre de cas litigieux concernant le rattachement de telle ou telle commune à des circonscriptions administratives anciennes.
Les ressorts retenus l’ont été à raison de leurs caractères :
- politique et administratif renvoyant aux origines médiévales des territoires et prenant en compte l’existence de leurs assemblées représentatives, en activité en 1789 (pays de Bigorre, des Quatre-Vallées, de Nébouzan avec ses différentes composantes, viguerie ou châtellenie) ou disparues antérieurement (pays de Rivière-Basse) ;
- judiciaire (sénéchaussées de Bigorre, d’Auch, de Toulouse, et éventuellement justices seigneuriales) ;
- administratif et fiscal (élections d’Armagnac, de Rivière-Verdun, d’Astarac, de Comminges).
Ajoutons que nous avons renoncé au début de l’entreprise à la mention des circonscriptions religieuses (diocèses, archidiaconés et archiprêtrés), pour des raisons de place, ce que l’on pourra regretter car il s’agit des systèmes de délimitations territoriales les plus anciens et les plus stables.
Nous avons ensuite privilégié l’histoire cantonale en indiquant quel fut pour les communes leur canton de rattachement lors de la première puis de la seconde liste de 1790, ainsi que les modifications qui intervinrent sur ce point entre 1791 et 1801 (quand nous les connaissons, car nombreuses furent celles pour lesquelles nous n’avons pas de traces écrites), en 1801 et jusqu’à nos jours. Il a été fait état des modifications apportées aux territoires communaux (distractions de quartiers, créations de nouvelles communes, fusions) de même qu’à leur nom officiel.
La tentation était grande d’étendre les informations sur l’histoire des communes (bastides, fors et coutumes, seigneuries laïques ou religieuses, etc.), d’autant que certaines communes nous avaient envoyé des commentaires, précisions et rectifications ; mais retenir ces données dépassait notre propos, et nous avons préféré nous en tenir au seul recueil des données préalables, qui pourront servir à d’autres travaux.
Les dénominations historiques
Les critères de choix et l’apport des dénominations historiques ou formes anciennes des noms de commune nécessitent un commentaire.
Au départ, le parti a été pris de ne pas recourir au Dictionnaire topographique du département des Hautes-Pyrénées de Louis-Antoine Lejosne, publié en 1992 par Robert Aymard. Ce travail datant de 1865, très estimable eu égard à son époque et aux conditions dans lesquelles il a été réalisé, peut certes rendre des services. Il contient malheureusement de nombreuses erreurs et la vérification de l’exactitude de ses transcriptions et de la qualité de ses sources présente de grosses difficultés.
On a donc préféré collecter les formes écrites de nos noms de lieux :
- en priorité dans les cartulaires et recueils de textes publiés presque tous depuis l’époque de Lejosne (Saint-Pé, Saint-Savin, Berdoues, Bonnefont, Lézat ; Procès de Bigorre ; Livre vert de Bénac ; Pièces justificatives de l’Histoire du Grand Prieuré de Toulouse, des Chroniques ecclésiastiques du diocèse d’Auch, de l’Histoire de la Gascogne de Monlezun) et non publiés (Cartulaires de Bigorre, Madiran, Larreule « Cartulaire de Comminges » de Larcher, Reconnaissances de la Barousse de 1526, Réformation de Nébouzan de 1542-1543 et des Quatre-Vallées de 1667) ;
- dans des censiers et des listes laïques publiés (Enquête de 1300 ; Censier de Sarrancolin de 1307) et non publiés (Debita regi Navarre de 1313, Censier de Bigorre de 1429) ;
- dans des pouillés et listes religieuses publiés (Pouillé de Tarbes de 1342, Procuration de Tarbes de 1379, Pouillé de Comminges de 1387, Pouillé d’Auch vers 1230-1405, Procuration d’Auch de 1383-1384, Décime d’Auch de 1405, Taxes d’Auch du XVe siècle).
Enfin nous avons eu recours à des documents isolés lorsque l’occasion se présentait ou afin de combler un vide documentaire (actes de Lescaladieu, registres paroissiaux, listes administratives de 1790, 1801, 1806, …).
Pour ne pas alourdir cette contribution, on a renoncé à des précautions scientifiques utiles en la matière : la présentation des formes dans leur contexte, le commentaire critique de la source documentaire, la date de copie éventuelle, etc. On s’est borné à mentionner éventuellement les prépositions, et le contexte latin ou gascon.
Cette démarche ne pouvait par ailleurs être exhaustive. Du moins a-t-elle le mérite, croyons-nous, de s’appuyer sur des sources d’ensemble, fiables pour la plupart mais surtout vérifiables.
Pour les plus anciennes (Cartulaires de Bigorre, en particulier, en cours d’édition par X. Ravier et B. Cursente), les datations pourront faire l’objet de révisions ultérieures. Les références exactes des documents, impossibles à donner ici, seront disponibles aux Archives départementales où chacun pourra les vérifier, les compléter et les corriger éventuellement.
Ces matériaux présentent des défauts intrinsèques. Il ne faut pas y chercher l’exact reflet des formes parlées à l’époque où ces noms sont enregistrés sur le parchemin ou sur le papier. Ce sont – comme aujourd’hui – des formes écrites, passées par le crible de la convention culturelle, de la même espèce que celles que présentent nos annuaires téléphonique ou administratif actuels par rapport aux formes employées dans la conversation des Haut-Pyrénéens parlant gascon ou français. Les procédés de latinisation, au moins ceux du XIVe siècle, souvent ceux d’avant, montrent assez la confiance mesurée qu’il faut accorder à ces attestations.
Par ailleurs, il n’est pas toujours facile de discerner quand les scribes ont recopié d’après des documents plus anciens des formes archaïques, éloignées des réalisations phonétiques de leur époque, et quand ils ont rhabillé à la mode de leur temps, volontairement ou par inadvertance, les graphies des écrits antérieurs qu’ils avaient sous les yeux.
Il faut ici se rappeler que les listes administratives ou fiscales des XVI-XVIIIe siècles fossilisent parfois des réalités depuis longtemps disparues et ce procédé mental a sans doute servi aussi, dans certains cas, à la transmission des formes toponymiques anciennes. La tyrannie exercée par l’écrit administratif – dont le plus significatif exemple est celui donné par la création et le maintien du ridicule Castéra-Lou – ne doit pas être sous-estimée. On doit donc se garder, en toponymie, de vouer une confiance aveugle aux formes anciennes. Reste qu’on ne peut non plus s’en passer.
Que peut donc apporter, malgré ses limites et ses lacunes, ce recueil de formes anciennes ?
D’abord, incontestablement, des données étymologiques utiles, lorsqu’on a affaire à des formes suffisamment anciennes (antérieures au XIIIe siècle), mais aussi quand on travaille sur des documents d’ensemble plus tardifs, comme le magnifique Censier gascon de Bigorre de 1429 dont la langue donne un témoignage toponymique – et plus généralement culturel – de haute valeur.
Et puis, selon les cas, l’attestation de la stabilité de certaines formes, ou au contraire la mise en lumière d’évolutions phonétiques intéressantes.
Toujours, ou presque, la notion de la liberté graphique dont ont fait preuve les scribes dans la traduction des formes qu’ils entendaient, avaient en mémoire ou lisaient, et cela des origines jusqu’au début du XIXe siècle.
Cette dernière notion doit permettre de prendre la mesure critique du travail de fixation, de référence, qui est l’objectif de cette publication. Et aussi de rappeler combien, même face aux noms les plus transparents, la toponymie reste une science conjecturale et révisable en permanence.
Enfin, ces indications correspondent bien souvent à l’entrée dans l’histoire – dans l’histoire écrite, bien sûr – de nos communes. Cette entrée paraîtra parfois bien tardive. On se rappellera à cette occasion tout ce qu’ont de relatif nos conceptions de l’histoire et de la vie de nos prédécesseurs sur ces terres.
Jean-François le Nail.