Quand la restauration de documents nous livre des surprises

Découverte d'une image de saint Jean l'évangéliste sur deux couvrures de registres paroissiaux

En décembre 2015, à l’occasion de la restauration des registres paroissiaux d'Aucun (45 E DEPOT 2 (1700-1746) ; 45 E DEPOT 3 (1748-1792), Olivier Ixart, relieur-restaurateur aux Archives départementales, a perçu des éléments de couleurs et dorure sur les couvertures. Le démontage des reliures a révélé qu’elles provenaient d’une même peau, décorée d’un personnage peint dont l’intégralité a pu être restituée par l’assemblage des deux pièces.

Le sujet peint au centre du panneau représente semble-t-il saint Jean l’évangéliste, vêtu d’une ample tunique verte et d’un manteau rouge décoré de rinceaux, drapé sur l’épaule gauche. De la main droite il bénit, l’autre main tenant un objet difficilement identifiable mais dans lequel il faut sans doute voir une coupe. Au sol, tout contre le personnage, est présent un grand oiseau aux allures de rapace, l’aigle étant l’attribut caractéristique de saint Jean l’évangéliste.

Par sa technique de réalisation, ce fragment de décor appartient à la famille des cuirs gaufrés, dorés et peints dits de Cordoue, cordobanes ou guadamaciles, production libyenne à l’origine, puis espagnole, mais dont on trouve des exemples, réalisés selon le même procédé, ailleurs en Europe, entre les XVIe et XVIIIe siècles : Flandres, Italie, Paris (fin du XVIe siècle), Avignon (début du XVIIe siècle), etc.  

L’aspect de la peau des registres d’Aucun, soigneusement apprêtée, recouverte de feuilles d’argent (et d’or ?), puis d’un verni jaune donnant l’aspect d’une dorure, et enfin d’une peinture, confirme cette identification sans permettre d’en déterminer précisément le lieu de production. Il est toutefois intéressant de noter la présence au XVIIe siècle à Argelès (à une dizaine de kilomètres d’Aucun), de Paul Gail ou plutôt Gal, dit autrement Provençal … tapissier de cuir doré, artisan venu de Provence, région de production de cuirs dorés.

Généralement, ces cuirs sont employés en panneaux cousus entre eux autant pour la garniture de mobiliers (sièges) que la décoration de riches intérieurs civils (tentures) et surtout l’ornementation d’autels d’églises (antependia) qui sont souvent les seuls exemples conservés. Ce dernier usage est particulièrement courant à la charnière des 17e et 18e siècles où de nombreuses paroisses font l’acquisition de devants d’autel de cuir doré cités dans les procès-verbaux de visites des évêques (ADHP, G 19-28 et G 1465).

Le saint Jean retrouvé sur les reliures des registres paroissiaux d’Aucun paraît selon toute probabilité avoir appartenu à la partie centrale d’un devant d’autel datable des années 1700, voire antérieur, pouvant provenir soit de l’église d’Aucun (qui ne possède cependant pas de chapelle Saint-Jean), soit d’un autre lieu de culte.

L’état de conservation et l’intérêt de ce panneau de cuir peint plaidaient en faveur d’une dépose pérenne des deux éléments de couverture qui devront être remplacés. Les deux fragment déposés ont fait l’objet d’un conditionnement approprié et sont donc aujourd'hui conservés à plat.