Chapeau l'artiste !
Traces d'Auguste Rodin à Garaison
Né en 1876 à Vienne au sein d’une famille aisée, Victor (Viktor) Frisch est un dessinateur et sculpteur autrichien.
Après un passage en Allemagne, il est installé à Neuilly-sur-Seine à la veille de la Première Guerre mondiale, avec son épouse d’origine française, Andrée Alphonsine Albrier, et leurs deux filles, Josèphe Minna et Andrée Victoria. A cette période, il travaille avec Auguste Rodin dont il est à la fois l’élève, l’assistant et l’ami. Il signera d’ailleurs une biographie de l’artiste français.
La déclaration de guerre provoque l’internement de tous les ressortissants austro-allemands présents sur le territoire français. Victor Frisch se retrouve ainsi interné avec sa famille au camp de Garaison. Son épouse et ses filles sont toutefois autorisées à séjourner à Lannemezan avant d’être transférées vers la Suisse en décembre 1915. Ces dernières finissent d’ailleurs par rejoindre la famille de Victor Frisch à Vienne. Ayant emporté des œuvres de son mari, Andrée née Albrier contribue en juin-juillet 1916 à une exposition organisée dans la capitale autrichienne au profit du comité de soutien aux Autrichiens expulsés des pays belligérants : à cette occasion, sont exposées des études de paysage et de portraits réalisées par Victor Frisch.
Resté seul au camp, celui-ci est dans un premier temps, perçu positivement par l’administration française. Délégué du comité de bienfaisance et de la section autrichienne du camp d’internement, il est toutefois accusé en juillet 1916, de ne pas avoir surveillé deux internés qui se sont échappés. Il est dès lors transféré au camp disciplinaire de Noirmoutier dont il décrit les difficiles conditions de détention dans une lettre adressée à l’ambassade des Etats-Unis.
Après 4 ans d’internement, Victor Frisch finit par être transféré en Suisse en 1918 avant de regagner Vienne en 1922. Il participe alors à la fondation du Kulturbund qui a pour objectif de favoriser le rapprochement des élites européennes. Il décide en 1926 de partir pour les Etats-Unis. Installé à New-York où il meurt en 1939, il fonde la Goethe Society of America et réalise plusieurs sculptures dont certaines ornent Central Park à l’image des Snow Babies(1937).
Conservé sous la cote 9 R 105, le dossier d’interné de Victor Frisch permet aujourd’hui de relater sa vie en France et son internement à Garaison. Par son contenu, il évoque également la relation entretenue avec Auguste Rodin au travers de cartes de visites manuscrites par l’artiste, connu entre autres pour sa sculpture du Penseur.
- Archives départementales des Hautes-Pyrénées, 9 R 105, dossier individuel d'interné de Victor Frisch
- Texte fondé sur l’article d’Hélène Florea et Hilda Inderwildi, « Viktor / Victor Frisch », in Le Sud-Ouest de la France et les Pyrénées dans la mémoire des pays de langue allemande au XXe siècle, sous la direction d’Hélène Leclerc, Toulouse, 2018, 232 p.