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Le fichier des cartes d'identité de Français

Carte d'identité de Jeanne Laffont-Abadie épouse Mun (1944) - 34 W 428
Carte d'identité de Jeanne Laffont-Abadie épouse Mun (1944) - 34 W 428

Par la loi du 27 octobre 1940 est instaurée la « carte d’identité de Français », ancêtre de notre carte nationale d’identité. Le Gouvernement de Vichy trouve ainsi un moyen d’identification de tous les Français de plus de 16 ans.

Dans cette optique, est mis en place un service de la carte d’identité de Français dans quelques préfectures de la zone occupée dès le mois de septembre 1942. Dans les Hautes-Pyrénées, ce n’est qu’un an plus tard qu’il est instauré et son activité ne sera effective qu’un peu moins de deux ans : sa dissolution est en effet entérinée le 15 juillet 1945 conformément à une décision du ministre de l’Intérieur en date du 3 juillet 1945 qui annule l’obligation de la carte d’identité. 

Celle-ci ne sera recréée qu'en février 1955, quelques semaines après la "Toussaint sanglante", début de la Guerre d'Algérie, même si la carte d'identité n'a alors aucun caractère obligatoire.

Ce sont les commissariats de police, ou à défaut les mairies, qui reçoivent et instruisent les demandes, notamment les fiches qui constituent aujourd’hui le fichier conservé par les Archives départementales, avant de les transmettre au Service de la carte d’identité.

Le demandeur de la carte doit alors remplir trois fiches de renseignements au contenu identique mais de couleurs différentes :

  • Les fiches de couleur beige (illustration de couverture) destinées à être organisées par lieu de résidence des individus.
  • Les fiches de couleur rose sont organisées par lieu de naissance des individus. Cet ensemble comprend les fiches des résidents nés dans le département ainsi que celles d’habitants des Hautes-Pyrénées nés dans un autre département ou à l’étranger et ayant été naturalisés.
  • Les fiches de couleur verte sont organisées, quant à elle, dans l’ordre alphabétique des demandeurs quels que soient les lieux de naissance et de domicile. Ces documents auraient dû alimenter le fichier central national que projetait de mettre en place le Ministère de l’Intérieur à Lyon.

Une fois remplis et les contrôles effectués, ces documents sont ensuite transmis à la préfecture qui établit la carte d’identité.

Conservé au sein du versement 34 W dont l’inventaire est accessible en ligne, ce fonds représente plus de 200.000 fiches et ne compte que peu de lacunes.

Témoin exceptionnel de son époque qui pallie partiellement l’absence de recensement de population, cet ensemble documentaire apporte des informations concernant :

  • l’état civil (date et lieu de naissance, identités des parents, liens maritaux…),
  • la profession,
  • l’adresse,
  • la description physique,
  • la modalité d’obtention de la nationalité française.
Fiche de Jeanne Laffont-Abadie épouse Mun (1944) - 34 W 122
Fiche de Jeanne Laffont-Abadie épouse Mun (1944) - 34 W 122
Fiche de Paul Sabatier- (1944) - 34 W 72
Fiche de Paul Sabatier- (1944) - 34 W 72

Ancré dans son époque, il indique également si l’intéressé est de confession juive. Ce fichier constitue donc pour le Gouvernement de Vichy, un moyen supplémentaire pour recenser de façon indirecte les Israélites en apposant notamment la mention « Juif » sur les fiches nominatives.

Source généalogique, historique et éducative, ce fichier s’affirme enfin comme un exceptionnel fonds photographique dans la mesure où sur chaque fiche, est apposée la photographie d’identité de l’individu.

Fiche de Berthe Engel épouse Zylbermann (1944) - 34 W 54
Fiche de Berthe Engel épouse Zylbermann (1944) - 34 W 54
Fiche d'Albin Salzedo (1944) - 34 W 54
Fiche d'Albin Salzedo (1944) - 34 W 54

Parallèlement à ce fichier, ce versement comprend un reliquat de cartes d’identité non retirées par les intéressés. Celui-ci donne donc un aperçu des papiers dont les personnes devaient se munir lors de leurs déplacements.

Parmi ces documents, il faut noter que certaines cartes appartiennent à des victimes des massacres de juin 1944 perpétrés par les troupes allemandes à Bagnères-de-Bigorre, Pouzac et Trébons à l’image de celle de Lucienne Brestat assassinée le 11 juin.

Une autre qui devait être délivrée à Albin Salzedo, décédé entre-temps, est marquée du poinçon « JUIF ». Témoignage de la stigmatisation des membres de cette communauté, cette carte est l’une des rares conservées au sein de ce reliquat.

Carte d'identité de Lucienne Brestat assassinée à Pouzac le 11 juin 1944 -34 W 427
Carte d'identité de Lucienne Brestat assassinée à Pouzac le 11 juin 1944 -34 W 427
Carte d'identité d'Albin Salzedo marquée de la mention "juif" (1944) - 34 W 429
Carte d'identité d'Albin Salzedo marquée de la mention "juif" (1944) - 34 W 429

Ces fichiers établis dans tous les départements ont le plus souvent été détruits, en raison notamment de la mention relative à la confession juive apposée. Les Hautes-Pyrénées sont aujourd’hui le seul département en France à avoir conservé ce fichier dans son intégralité. Au-delà de son apport généalogique et historique, il reste donc un témoignage unique d’une période troublée de notre pays.