Des cloches parlantes

Cloche commémorative de la Première Guerre mondiale à Ancizan (1920)
Cloche commémorative de la Première Guerre mondiale à Ancizan (1920)

Porter la voix de la communauté

Depuis le Moyen-Âge, les cloches portent des inscriptions : prière, dédicace, devise, date… dont certaines apparaissent énigmatiques. C’est le cas des alphabets qui existent sur les cloches de Saux (Lourdes) ou Bun. Ils renvoient sans doute aux rites de consécration des églises durant lesquels l’officiant traçait des lettres dans de la cendre répandue au sol. Les textes en langue occitane sont très rares, il n’en existe qu’une douzaine en Occitanie. Elles datent d’avant 1600. En 1885, Ursulin Dencausse fournit à l’église d’Ainhoa deux cloches dont les inscriptions sont en langue basque.

Durant les XIIe et XIIIe siècles, les caractères employés sont des lettres onciales. Au XVIe siècle, les inscriptions sont en lettres gothiques puis romaines par la suite et jusqu’à nos jours. C’est aussi à partir des années 1500 que les cloches sont datées. Les lettres sont en général encadrées par des filets (moulure) faisant le tour de la cloche, le plus souvent au niveau du cerveau.

À partir du XVIIIe siècle, les inscriptions sont de plus en plus développées, ajoutant aux prières et dédicaces le nom du parrain et de la marraine et de notables : élus, clergé… nom de la cloche. Après la Première Guerre mondiale, des cloches commémoratives portent les noms des habitants morts au combat.

Un décor riche de symboles

La décoration des cloches est souvent sommaire dans les exemples les plus anciens. Elle peut se limiter à une croix en relief sur la panse. À la fin du Moyen-Âge apparaissent des effigies de saints dans un cartouche (dont Saint Michel), souvent associées à une Vierge à l’Enfant et à un Christ avec les Instruments de la Passion ou Christ de pitié sous un dais. Les filets sont ornés de rinceaux, de feuillages.

Les monogrammes IHS (Iesus Hominum Salvator - Jésus sauveur des hommes) et AM (Ave Maria – Je vous salue Marie), ainsi que de petites croix ponctuent les inscriptions.

Aux XVIIe et XVIIIe siècle, la croix de la panse, présentée sur des gradins, est composée de petits cartouches à rinceaux. Des fleurs de lys rappellent le pouvoir royal tandis que les armes des familles nobles témoignent de leur financement. Des étoiles à plusieurs branches sont aussi affectionnées des fondeurs espagnols. Parfois, l’effigie du saint patron et une crucifixion ponctuent la robe de la cloche.

Christ au tombeau sur la cloche de Mont (circa 1520)
Christ au tombeau sur la cloche de Mont (circa 1520)
Inscriptions et décors du XVIe siècle sur une cloche de Gaudent
Inscriptions et décors du XVIe siècle sur une cloche de Gaudent

Les embellissements du XIXe siècle

À partir des années 1850, l’ornementation devient très présente : la simple croix évolue vers un calvaire encadré de la Vierge, Marie-Madelaine et saint Jean. En attachement à Rome, les clés de saint Pierre et le blason du pape apparaissent, ainsi que des effigies de saints et apôtres dans des niches architecturées, des anges, des semis d’étoiles.

Ursulin et Pierre Dencausse décorent leurs cloches de motifs végétaux et floraux symboliques (lys, églantiers, laurier, chêne) très modernes dans leur disposition. Pierre Dencausse orne les anses de masquefeuilles. Les nouvelles dévotions s’illustrent dans les figures de l’Immaculée Conception, Notre-Dame de Lourdes, Sacré-Coeur… dynamique qui se poursuit au XXe siècle avec les effigies de Jeanne d’Arc, Thérèse de Lisieux ou Bernadette Soubirous. Dans des cloches des années 1920, elles côtoient parfois un trophée portant des armes et un casque de poilu.