Des fondeurs de tous horizons

Un métier nomade

Jusqu’au XIXe siècle, compte tenu du statut des fondeurs – itinérants et étrangers à la Bigorre et aux Quatre Vallées – et en raison de la difficulté technique de fondre une cloche et de la déplacer, la fabrication a lieu le plus souvent sur le lieu même d’utilisation. Il a existé simultanément jusqu’à 800 fondeurs itinérants en France. Ils travaillent en général entre février-mars et avant l’hiver. Ces artisans parcourent villes et campagnes afin de proposer leurs services dans la fonte ou refonte des cloches. Ces dernières, du fait de leur usage fréquent, de mauvaises manipulations, de leur ancienneté ou d’une mauvaise qualité de fonte sont régulièrement fêlées. Les communautés d’habitants puis les communes sont donc régulièrement dans l’obligation de financer une ou plusieurs cloches. Il faut préciser la commande, rétribuer le fondeur, l’héberger, fournir des matériaux (tuile, brique, bois…), contribuer au transport puis au repas lors du baptême de la cloche.

Ces opérations ont produit des documents (contrats, factures, quittances…) conservés dans les archives communales.

Lorrains, Espagnols, Béarnais et Bigourdans

Signature de Louis Solano à Cazaux-Fréchet (1776)
Signature de Louis Solano à Cazaux-Fréchet (1776)

Les fondeurs les plus anciens demeurent méconnus car ils ne signent pas leur travail et les documents sont très rares avant 1600. Les premières marques de fondeurs apparaissent au XVIe siècle sous la forme de cachets ou sceaux ornés d’une cloche en relief flanquée d’initiales ou d’inscriptions qui demeurent le plus souvent difficiles à lire et à attribuer. De nombreuses cloches anciennes des Hautes-Pyrénées ne sont pas attribuées à ce jour à un fondeur.

En Bigorre et Quatre Vallées, plus d’une centaine de fondeurs et quelques marchands sont intervenus entre le XVIe siècle et nos jours. Certains d’entre eux ont fait souche localement. Ils sont établis à Tarbes (Dupont, Dupierris Frères), Soues (Dencausse, Lavigne, Teysseyre), Asté (Laqueilhe)… D’autres appartiennent à des territoires voisins tels les Béarnais Jacques Legras, fondeur d’Oloron (1557), ou bien Arnault, Hardouin ou Lamière, habitants d’Orthez aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Mais la plupart ne sont que de passage, issus de lointaines provinces comme la Lorraine et plus particulièrement la région du Bassigny. Au début du XVIIe siècle, ils se nomment Jean Bayoullet, Du Boé, Jean Dubois, François Garnier, Jean Jerfroy, Jean Jolly, Jean Lambert ou Mollot…

Compte tenu de la proximité de l’Espagne, des fondeurs ibériques – issus pour la plupart des provinces de Cantabrie, Guipúzcoa ou Biscaye – oeuvrent aussi au nord des Pyrénées. C’est le cas de Jehan de La Rosade, originaire de Broto, cité dès 1553 à Nestalas, puis, au au XVIIIe siècle, de Simon Camara, Joseph Marrou, Mateus de La Ioia, Manuel Cordoba, Antoine Mier, Bernard Rio, Jean Corrales ou Louis Solano. Certains d’entre eux s’associent et francisent leur prénom tout en conservant un décor espagnol comme des étoiles à huit branches.

Signature du fondeur espagnol Jean Corralès à Maubourguet (1774) - ADHP, 304 DEPOT 55
Signature du fondeur espagnol Jean Corralès à Maubourguet (1774) - ADHP, 304 DEPOT 55